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Enseignement privé : en finir avec la discrimination religieuse lors des recrutements !

Publié le lundi 27 avril 2009.


Suite au refus d’accorder l’« agrément » à une candidate au PRPE (concours externe du 1er degré privé), un journal breton, le Télégramme de Brest, se penche sur les problèmes de discrimination religieuse à l’embauche dans l’enseignement catholique.

Le SUNDEP est depuis ses débuts - d’ailleurs seul parmi tous les syndicats intervenant dans l’enseignement privé - engagé dans la défense des maîtres victimes de ces discriminations religieuses, en basant son action sur le droit (Codes du Travail et de l’Éducation). Voir à ce sujet notre article.

Les victoires du SUNDEP sur tous les dossiers défendus prouvent bien que l’État (seul responsable du recrutement sur concours des maîtres du privé) comme l’enseignement catholique ne sont pas dans la bonne application du droit sur ces dossiers.

D’ailleurs, une jurisprudence du Conseil d’État du 10 avril 2009 vient de rappeler très clairement que le recrutement sur des critères religieux est totalement illégal (voir ci-dessous).

NOUS FAIRE PASSER TOUS VOS TÉMOIGNAGES, DOSSIERS EN COURS : C’EST EN ACCUMULANT LES PREUVES QU’ON FERA CESSER CES PRATIQUES !

Article du Télégramme de Brest « École privée - Recrutement : les questions qui fâchent » « Une année de perdue pour rien ». Des lauréats au concours de l’enseignement privé sont amers. La titularisation leur a été refusée faute d’avoir obtenu le « sacro-saint » agrément diocésain. Ils dénoncent les questions posées lors de l’entretien préalable.

Depuis sa création en 2003, le syndicat SUNDEP (*), issu d’une scission de la CFDT, s’est saisi du dossier des lauréats du concours des professeurs des écoles pour l’enseignement privé (CRPE) privés de titularisation faute d’avoir obtenu le précieux sésame, l’agrément diocésain.

Certains se voient alors proposer un poste de suppléant. Un pis-aller rémunéré 1.000 € par mois.

Une chasse aux sorcières ?

« On constate, depuis quatre ou cinq ans, que l’entretien préalable à l’obtention de l’agrément, prend clairement une orientation idéologique », dénonce ce responsable du SUNDEP Bretagne. Il ne mâche pas ses mots : « On se croit revenu à l’époque du maccarthysme ».

Un peu comme si l’enseignement catholique se livrait à une chasse aux sorcières pour « sélectionner des candidats calibrés, formatés aux principes religieux dispensés par l’Église ».

À partir des témoignages collectés, le SUNDEP a constaté que les questions dérivaient de plus en plus sur la foi chrétienne. « Comment vous situez-vous par rapport à la croyance en Dieu ? Quelle est la mission de chaque chrétien ? Avez-vous ou participez-vous encore à des mouvements d’église ? Êtes-vous prêt à participer à des manifestations pastorales ? ».

Le délégué breton fulmine : « On demande aux candidats de témoigner de la bonne parole. C’est du prosélytisme ».

Un arrêt du Conseil d’État

S’appuyant sur le code du travail, le type de questions posées à l’entretien constitue, selon l’organisation syndicale, "une discrimination à l’embauche. C’est grave, c’est un déni du droit français. Contre les textes de laïcité qui garantissent l’équité entre les citoyens. C’est un recrutement idéologique qui ne dit pas son nom« . »D’ailleurs, le Conseil d’État a rendu le 10 avril dernier, un arrêt dans lequel il a estimé qu’un jury d’examen commettait une discrimination interdite en demandant au candidat à un concours quels étaient ses origines, ses opinions et pratiques religieuses. En l’espèce, un candidat au concours interne d’officier de la police nationale n’avait pas été admis après avoir eu une note éliminatoire à l’oral", renchérit le SUNDEP.

Des « recalés » réintégrés

Acceptée en première année de formation au centre de formation des professeurs (CFP), une candidate de l’académie de Nantes, reçue au CRPE, s’est vu refuser l’accès en 2e année. Idem pour une lauréate de Versailles.

"La place a été accordée à un candidat de la liste complémentaire. Nous avons aussitôt alerté le rectorat et le ministère de l’Éducation nationale et on a obtenu leur réintégration l’an dernier. Depuis six ou sept ans que nous nous sommes saisis de ce dossier, nous avons traité pas loin d’une dizaine de cas. À chaque fois nous avons gagné contre l’enseignement catholique".

Le syndicat ne manque pas de faire référence à la déclaration d’un responsable du ministère, qui aurait reconnu, le 16 janvier 2009, que « le préaccord diocésain n’a pas de fondement réglementaire ».

De guerre lasse, beaucoup de candidats finissent par renoncer à faire carrière dans l’enseignement catholique ou se contentent de remplacements. Organisateur des concours, « l’État est, insiste le délégué, le seul responsable du recrutement des maîtres du privé sous contrat. Lui seul paie et contrôle ces maîtres. Il garantit la liberté de conscience pour les élèves comme pour les enseignants ».

Au pays de Voltaire, on ne badine pas avec la défense de la laïcité.

Cathy Tymen

(*) SUNDEP-SOLIDAIRES, syndicat unitaire national démocratique des personnels de l’enseignement et de la formation privés. Site Internet : www.sundep.org/

Le point de vue des responsables des écoles catholiques : « On respecte la législation » Par les voix de Patrick Lamour, directeur diocésain de l’Enseignement catholique du Finistère et d’Arnaud Lampire, son adjoint, l’enseignement catholique soutient de son côté être « depuis cinquante ans » en totale conformité avec la loi.

Loi Debré

"Les textes qui régissent l’agrément, précise Patrick Lamour, sont des textes nationaux de l’Éducation nationale, en conformité avec la loi Debré de 1959 sur le contrat d’association. Les accords professionnels ont été signés par l’ensemble des organisations syndicales. Les textes précisent que la nomination de tout enseignant nécessite l’accord du chef d’établissement.

C’est le sens de l’entretien que nous faisons passer aux candidats au concours, dans le strict respect de la liberté de conscience de chacun. La question religieuse ne constitue pas un obstacle à l’agrément. Les questions pastorales ne doivent pas être centrales. On veut seulement savoir à qui l’on s’adresse et si le candidat est en phase avec le projet des écoles catholiques, dont le « caractère propre » (*) est reconnu par la loi Debré."

Appel possible

Mais pourquoi ne pas organiser l’entretien avant la clôture des inscriptions fin novembre, et non en mars, afin de permettre aux recalés de s’inscrire au concours du secteur public ?

« Ce serait matériellement difficile à mettre en œuvre. On ne saurait pas sur quel volume de candidats compter », répond Arnaud Lampire. Et il ajoute : « Je ne suis pas surpris que des suppléants, après avoir obtenu deux agréments, se le voient refuser la troisième fois. Il y a certainement eu un problème dans leur parcours. Mais ils ont toujours la possibilité de faire appel. Une nouvelle commission est alors réunie ». Les deux responsables tiennent à préciser que les suppléants, payés 1.000 € par mois, « sont rémunérés par l’État ».

Cette année, dans le Finistère, 213 avis favorables ont été donnés par la commission sur les 259 demandes, pour 38 postes ouverts dans le département.

(*) Le caractère propre donne la liberté à une école d’organiser un certain nombre de choses dans le respect des programmes officiels. Les élèves ont la liberté de suivre des cours de catéchèse et les enseignants de les dispenser ou non. Ils peuvent enseigner l’histoire des religions ou faire des activités à caractère humanitaire ».

Il n’est pas précisé par la loi Debré. Le statut de l’enseignement catholique le définit comme suit : « Un projet éducatif dans lequel fusionnent harmonieusement la foi, la culture, la vie… » C.T.

Les commentaires du SUNDEP :

les réponses de ces responsables montrent bien toute l’ambiguïté de ces entretiens d’« agrément ». D’un coté ils prétendent respecter la liberté de conscience, de l’autre ils reconnaissent poser des « questions pastorales ». L’arrêt du Conseil d’État est très clair : il ne doit pas y avoir de questions posées sur les pratiques confessionnelles. Il est totalement faux de dire que l’« agrément » est présent dans les textes officiels de l’Éducation nationale ! Il n’est défini que dans des documents de l’enseignement catholique et n’a donc aucun caractère légal. Le « caractère propre » est bien présent dans la loi Debré, mais n’a jamais été défini. Il est pour les élèves et pour les enseignants strictement limité par le principe de « liberté de conscience », présent dans la loi. Il sert surtout pour dire que les activités liées à ce « caractère propre » doivent être proposées mais non imposées, et doivent se faire en dehors des temps de cours financés par l’État et soumis aux obligations de programme de l’Éducation nationale. Communiqué de presse du Conseil d’État du 16 avril 2009 Le Conseil d’État annule les résultats d’un concours interne de la police nationale du fait d’une distinction opérée par le jury en raison de l’origine du candidat et de ses opinions religieuses. Un candidat au concours interne d’officier de la police nationale n’avait pas été admis, une note éliminatoire lui ayant été attribuée lors de l’entretien avec le jury.

Il demandait au Conseil d’État l’annulation de la délibération finale de ce jury, qui n’avait pas retenu sa candidature, considérant que certaines des questions qui lui avaient été posées constituaient des discriminations à son égard. Il avait également saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations à ce sujet.

Le Conseil d’État a fait droit à la demande d’annulation de la délibération du jury. Il a considéré que le candidat apportait des éléments précis que l’administration ne contestait pas sérieusement, selon lesquels des membres du jury lui avaient posé des questions portant sur son origine et les pratiques confessionnelles tant de lui-même que de son épouse.

Il a jugé que de telles questions étaient étrangères aux critères devant permettre à un jury d’apprécier l’aptitude d’un candidat et constituaient une distinction – c’est-à-dire une discrimination – entre fonctionnaires, qui est prohibée par l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Cette discrimination révélant une violation du principe d’égal accès aux emplois publics, la délibération du jury du concours interne d’officier de la police nationale a été annulée.

Cependant, les nominations individuelles des candidats retenus, prises postérieurement à cette délibération, qui n’avaient pas été contestées par le requérant, sont devenues définitives. L’illégalité commise par l’administration pourra toutefois trouver réparation sur le plan financier.

Arrêt du Conseil d’État du 10 avril 2009, n° 311888

Commentaires du SUNDEP :

Cet arrêt établit une jurisprudence applicable à tous les concours organisés dans le cadre du droit public, dont relèvent ceux que passent les maîtres du privé sous contrat avec l’État (CAFEP, CAER, CRPE …). Il est à noter que pour les personnels relevant du droit privé les mêmes règles s’appliquent lors d’un entretien d’embauche puisque l’article L1132-1 du Code du travail dispose « qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement […] en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ». Publié le jeudi 23 avril 2009 par sundep national