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Le recteur de Lyon débarqué, sous la pression de N. Sarkozy

Publié le jeudi 22 mars 2007.


Alain Morvan a été démis de ses fonctions en Conseil des Ministres pour "manquement au droit de réserve", sur proposition de Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale.

Il déclare : "Je quitte cette académie le coeur lourd mais serein, et surtout la tête haute. Aujourd’hui, c’est une grande journée, pour le négationnisme, l’extrême-droite, l’antisémitisme et les adversaires de la laïcité. C’est surtout une grande journée pour moi (qui considère ma révocation) comme un honneur qui justifie les combats que j’ai menés".

Il rend responsable de cette décision N. Sarkozy mais souligne son lâchage par la rue de Grenelle. Il s’était opposé à l’ouverture d’un lycée musulman à Decines (69) malgré les demandes du ministre de l’intérieur. Il avait aussi obtenu le départ de Bruno Gollnisch, dirigeant FN, de l’université de Lyon 3. Celui-ci "apprend avec satisfaction" le limogeage d’Alain Morvan.

Le recteur parlait trop. Le gouvernement l’a fait taire. Alain Morvan, recteur d’académie de Lyon, a été démis de ses fonctions ce matin en Conseil des Ministres pour "manquement au droit de réserve", sur proposition de Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale. Cette année, le recteur s’était mis à dos son ministre, en s’opposant à l’ouverture d’un lycée musulman dans la banlieue lyonnaise. Il avait déposé en sa qualité de recteur plusieurs recours administratifs, mais aussi dénoncé publiquement "l’intégrisme" de certains des défenseurs du lycée.

Il y a quelques semaines, alors que l’établissement musulman était finalement autorisé à ouvrir, Alain Morvan révélait dans l’hebdomadaire Tribune de Lyon qu’il avait subi des pressions de la part de son ministère de tutelle et du cabinet de Nicolas Sarkozy.

Lors d’une réunion place Beauveau, on lui aurait explicitement demandé de ne plus mettre des bâtons dans les roues de ce projet de lycée privé. La rumeur de son limogeage courait depuis.

Ce proche de Jacques Chirac, en poste à Lyon depuis 2002, a toujours pris de fortes positions publiques sur des sujets épineux. Il a notamment été le premier Recteur à condamner fermement les dérapages de certains enseignements de l’Université Lyon 3.

Il a pris une part active dans les poursuites disciplinaires contre Bruno Gollnisch, suite à ses propos sur les chambres à gaz en 2004.

Le 16 mars dernier, l’association étudiante Hippocampe (contre le négationisme à Lyon 3) envoyait une lettre à Jacques Chirac lui demandant de ne pas céder aux pressions visant à limoger Alain Morvan. Cette lettre était consignée par les présidents des deux autres universités lyonnaises (Lyon 1 et Lyon 2), par les représentants du CRIF et plusieurs élus lyonnais.

Alain Morvan a été remplacé en Conseil des Ministres par Roland Debbasch, aujourd’hui directeur général de l’enseignement scolaire, et ancien conseiller ministériel de Dominique Perben [candidat à la mairie de Lyon...ndlr].

Alice GERAUD, Libération, mercredi 21 mars 2007

Commentaire du SUNDEP : 1. Les procédures engagées par le recteur Morvan pour empêcher l’ouverture du collège - lycée Al Kindi ont pu paraître brouillonnes et, aux yeux de certains musulmans sincères, discriminatoires.

Elles correspondaient, cependant,au rôle normal d’un recteur qui, en tant que représentant de la République, doit s’attacher à ce qu’un établissement scolaire garantisse un accueil de tous, sans distinction d’aucune sorte fondée sur des critères ethniques, religieux, politiques...

En effet, quoi qu’en pensent certains responsables de l’enseignement privé, la loi garantit aux élèves et aux enseignants de ces établissements la liberté de conscience. Cela s’appelle la laïcité, en vigueur en France depuis 1905.

2. On voit bien dans cette affaire que le toujours ministre, et plus que jamais candidat, Nicolas Sarkozy, est intervenu dans ce dossier, comme il le fait dans beaucoup d’autres hors de son champ de compétence.

On peut penser qu’il l’a fait pour des raisons électoralistes, mais aussi parce que sa conception de l’intervention publique est radicalement différente de ce qu’on a connu jusque là en France.

Le même envisage ainsi de revenir sur la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, d’organiser des politiques en faveur d’un communautarisme en opposition avec les lois de la République, de rendre hors de contrôle de l’Etat la gestion des établissements de l’enseignement privé (en ouvrant totalement le droit d’en créer, en favorisant le chèque-éducation...).

3. Le SUNDEP, qui affirme au contraire sa volonté de défendre la liberté de conscience des élèves et des enseignants du privé (par des actes très concrets), s’oppose bien sûr à ces orientations et appelle à y faire barrage lors de la prochaine élection présidentielle.

4. "Il existe des établissements catholiques, juifs et protestants, pourquoi refuser des établissements musulmans ?" Cette interrogation mérite une réponse qui va delà de la liberté de conscience des personnels et des élèves.

Nous appelons à la rénovation de l’école pour plus de justice sociale dans le cadre du service public.

C’est sur ce sujet - dont les interrogations sur la carte scolaire, sur le refus de la sélection sociale, sur les moyens de supprimer les sorties du système scolaire sans formation diplomante, etc ... - que doivent porter les débats sur l’Ecole, et non vers l’affrontement des communautarismes, qu’ils soient religieux ou sociaux.

Publié le jeudi 22 mars 2007